Forever Pavot au festival "L'Épopée Born Bad"à l'occasion des 10 ans du label Born Bad

Diffuseur
France Télévisions / Culturebox

Date
2017

Durée
4′

Réalisation
Christian Beuchet

Résumé

Le monde de la pop se divise en deux catégories. D’un côté, les groupes qui font du vieux avec du neuf. On les connaît, on a les noms. Bâillements. De l’autre, ceux qui font du vieux avec du vieux, retardataires de guerres qu’ils n’ont pas vécu, à la recherche d’époques qu’ils n’ont pas connu et de consoles analogiques chinées sur eBay dans l’espoir de sonner comme le Velvet Underground. Tout aussi pathétiques que les premiers, le tout doublé d’une obsession pour le mimétisme qui donne à leur avenir un gout de Petit Beurre trempé dans du formol.

« La mode, c’est ce qui se démode » disait Cocteau. S’il est mort sans avoir pu écouter le premier album de Forever Pavot, on doit bien reconnaître au poète une prophétie : la classique opposition entre passé et futur est complètement conne. Sur ce registre, Forever Pavot s’en tire avec les honneurs. Faire du neuf avec du vieux, ou plutôt faire du beau grâce à des vieux, c’est toute l’ambition de « Rhapsode », disque où les sixties d’Ennio Morricone, Francis Lai et autres compositeurs de musiques de films trouvent enfin le chanteur qui leur manquait.
Mais attention, sous les pavés de ces compositeurs soixante-huitards, pas de plagiat. Comme la vieille pierre est un investissement sur le long terme, on aurait envie de décrire Emile Sornin, leader de Forever Pavot comme un artisan du solide, à la fois pro de la bidouille et démolisseur de cloisons. Ses armes, il les a faites au sein d’un premier groupe – feu Arun Tazieff – où l’envie d’être le chef d’orchestre se fait déjà sentir. Emile y développe déjà les techniques chères à François de Roubaix : rêver ses chansons, les bricoler solo et piste par piste, puis finalement les accoucher dans le studio de ses frères de cœur, les toulousains d’Aquaserge. Le résultat s’avère à la hauteur des nuits blanches : là où d’autres se contentent de copier le passé, Emile empile les mille-feuilles sonores, réhabilite le clavecin dans ce monde étriqué qu’est devenu la pop et compose des morceaux arrangés (Electric Mami) qui donnent l’impression d’entendre Strawberry fields forever chanté par les Zombies. Après un premier 45T « Christophe Colomb » autoproduit au printemps 2013, « distribué gratuitement avec des chocolats » puis repressé par Frantic City, l’histoire de Forever Pavot commence à prendre forme autour d’un nouveau groupe. Viendront deux autres maxis (le premier chez les Anglais de Sound of Salvation en janvier 2014, le second en avril chez Requiem pour un Twister), tous pressés à si peu d’exemplaires que déjà le mot CULTE s’écrit en gros sur le front de cet Emile aux cheveux longs.

Il y a donc un nouveau locataire dans la résidence Jean-Claude Vannier. Du genre discret, mais plutôt bruyant. Guitares fuzz, farfisa endiablées, lignes de basses mixées bien en avant dans la tradition Burgalat, parties de flutes (parties de flutes !), cavalcade de chevaux sur Miguel El Salam, « Rhapsode » c’est le grand Western d’intérieur filmé par l’ORTF, à tel point qu’on s’attend parfois à voir surgir Jean-Christophe Averty surgir de derrière une enceinte, caméra et joint dans la main. Encore une fois, l’habit ne fait pas la moine ; le nom Forever Pavot n’est pas né d’une apologie des drogues : « c’est parti d’une blague, un jour j’ai lu trop vite un “flower power” très mal écrit sur une trousse d’écolier. Ca m’a fait rire… » dit Emile. Fan de prog, de jazz mais également de psyché turc, il est aussi clippeur pour d’autres (les vidéos de Disclosure ou Dizzee Rascal, c’est lui) et prouve à chaque instant que les apparences sont souvent trompeuses. « Je me sens un peu comme Stereolab ou Broadcast, ces artistes qui puisent dans le passé pour faire quelque chose de nouveau (…) Il y a une dizaine d’années je faisais du punk hardcore, ensuite j’ai fait de la chiptune, de la pop, des compos garage / folk enregistrées sur K7, et maintenant des choses inspirées des musiques de films 60’s…la seule ligne directrice ce sont mes envies. personne ne pourra m’emmerder si je veux faire un album de reggae dans 3 ans ou un album de chanson française. Parce que c’est moi qui décide ». Etre moderne, c’est être maitre de son temps. Quant au paradis d’Emile, il est évidemment pavé de bonnes intentions.

BESTER