Lee Gamble en interview"I Couldn't Give A Damn About Beethoven."

Diffuseur
Le Drone

Date
Septembre 2014

Durée
6′

Réalisation
Olivier Lamm

Résumé
Précisons-le en préambule: notre premier contact avec la musique de Lee Gamble fut comme une sorte de coup de foudre. Arrivée à nos oreilles via Pan, label caractériel rapidement devenu le plus emblématique de cette étrange école qui confond joyeusement noise et techno, la musique électronique de ce Britannique jusque-là inconnu hors des sphères de l’art sonore fut la première à émerger de la “scène” comme une évidence.

Le bien nommé Diversions 1994 – 1996, plus spécifiquement, fut un choc délicieux. Elaboré à partir d’une vieille collection de mixtapes maison bricolées à l’époque où Gamble était un fervent junglist à peine sorti de l’adolescence (avec une sortie hyper confidentielle à son actif, dont même Discogs ne sait toujours rien), ce mini-album largement dénué de rythmes et de formes repertoriées ouvrait non seulement une fenêtre sur sa jeunesse de raver et des pistes passionnantes pour les explorateurs du domaine de la mémoire, mais exorcisait de manière enfin lisible l’obsession de la musique électronique anglaise des années 2010 pour l’âge d’or de la rave, de la jungle et du hardcore.

Outre le bonheur de se replonger dans un liquide amniotique douillet comme un souvenir d’enfance, ce qui nous plaît si fort dans la démarche de Lee Gamble vient sans doute de sa spontanéité. A l’instar de Leyland Kirby (voir son séminal Death of Raveou bien sûr Burial, à l’inverse surtout de la plupart des fossoyeurs de vieux breakbeats dont on relaie souvent l’actualité sur nos pages avec intérêt, le Britannique n’ambitionnait en effet rien d’autre, en passant ses cassettes de jeunesse dans des logiciel de MAO dernier cri, que d’incorporer son premier bagage musical à des recherches musicales et théoriques menées en toute radicalité depuis plusieurs années; surtout pas en tout cas pleurer un âge d’or de la subculture britannique éloigné comme les paysages des tableaux de Constable que le Royaume-Uni aurait perdu à tout jamais.

Entre l’adolescence jungle et aujourd’hui, Lee Gamble a fait ses classes en musique informatique de pointe, explorant à l’Université, avec le collectif CYRK et dans l’ombre des Pères de la musique électronique académique une extreme computer music qui explique de bien des manières la pertinence de plus en plus notable de son travail: une synthèse littérale, surtout superbement organique des deux passions musicales de sa vie, la dance et la musique électronique expérimentale.
Alors certes, le regain d’intérêt (et de hype) pour les auras et textures de la rave originelle lui a permis de revenir à la dance music et de gagner sa vie de nouveau en mixant dans les clubs, mais les hybrides qu’il produit en retour (du remarquable Dutch Tvashar Plumes jusqu’à son tout nouveau KOCH) figurent parmi les protoypes les plus singuliers et, surtout, les plus vibrants que la frange expérimentale de la musique électronique anglaise – voire la musique électronique anglaise tout court – a à nous offrir en 2014. Il était pour ainsi dire évident qu’on accroche à notre tableau de chasse ce fier représentant de cette nouvelle école de techno expérimentale sur laquelle on hésite à danser ivre ou en lisant à voix haute la prose de Derrida.

NB: Les oreilles délicates noterons sans doute quelques problèmes de son sur la deuxième partie de l’interview. Ceux-ci ne sont pas dûs à un sabotage technique ourdi par Lee Gamble mais à un souci technique survenu pendant la prise de son et nous nous en excusons.