Jerkin en interview"Til My Legs Get Tired."

Diffuseur
Le Drone

Date
Mars 2011

Durée
19′

Réalisation
Clément Mathon

Résumé
Vous les avez peut-être aperçus sans trop y faire attention, aux Halles à Paris, ou sur les places ultra-squattées dans vos villes: les Jerks sont enfin parmi nous. Futals rouge vermillon, Air Jordan aux pieds, et planches à roulettes: en trois ans d’existence, le Jerkin a traversé l’Atlantique et s’est répandu comme une trainée de poudre.

Epicentre du phénomène, les quartiers noirs Los Angeles. Avec plus de 120 000 membres de gangs répertoriés dans le seul comté de Los Angeles, des quartiers comme Long Beach ou Compton se sont hissés en bonne place, depuis la fin des 60′s, dans les stats criminelles américaines. Sans revenir sur l’histoire des gangs de la mégalopole californienne qui remonte aux années 20, on sait que la culture qu’elle distille aujourd’hui dans ses clips, à grands renforts de soutifs et d’enjoliveurs chromés, n’est plus au goût d’une très jeune frange de ses habitants, et qui tentent désormais de s’en affranchir: les jerks.

Biberonnés à l’iTunes store et à la culture YouTube, à peine sortis du lycée pour les plus vieux d’entre eux, les jerks (littéralement saccade/secousse, ou enflure -au choix-, en V.F.) ont jeté un pavé dans la mare il y a trois ans, et tentent depuis d’imposer leur propre culture. Première ligne de démarcation: la sape. A défaut des habituels baggies adoptés par leurs grands frères pour leur indéniable qualité de rangement, ils lorgnent du côté des jeans slim (beaucoup moins suspicieux pour les flics) et enfilent tout ce qui leur tombe sous la main. Sans véritable logique ou maîtrise des codes, on les retrouvent pêle-mêle affublés de T-shirts Black Flag ou Donald Duck, des tatouages de Monsieur Jack de Tim Burton, des pantalons portés à l’envers, de crêtes… Un joli festival de couleurs en somme, qui n’est pas sans poser quelques problèmes pour des mômes qui partagent les terrains de basket avec des gangs comme les Crips ou les Bloods, pour qui les histoires de code-couleurs ont une tout autre signification. Mais qui n’est pas sans rappeler non plus, pour les fans de Grandmaster Flash & The Furious Five ou de Sugarhill Gang, une esthétique en quadri-couleurs qu’Afrika Bambaataa scandait fièrement en 84 dans son “Peace Unity Love and Havin Fun”.

Ces pionniers du hip hop ont ainsi jeté les bases d’un mouvement global et suffisamment sophistiqué pour durer. Ca aussi, nos chers fauteurs de trouble du jerkin l’ont bien compris. Ils baptisent aussitôt leur soirées Function, concoctent en guise de bande son une vague resucée façon L.A. du Hyphy (un hiphop made in San Francisco né en 2006, et dopé aux amphets) et adoptent niveau danse, un résidu du Krump, que le plus vieux d’entre eux, Mowii, danseur pour Madonna à ses heures perdues, et aujourd’hui à la tête de son crew Rej3ctz, a bien connu gamin.

A ses côtés, les groupes de Jerkin se multiplient aussi vite que des lapins de garenne. The New BoysThe Pink Dollaz, YT, les Power Ranger$, J-HawkTay F 3rd: en deux morceaux à peine (You’re a Jerk, et I Rock Skinnies), ces garnements réussisent à truster les radios locales et décrochent la couv du LA Weekly qui annonce sans prendre de pincettes la mort du Krump et du gangsta Rap!

Nous sommes intervenus en 2010 pour prendre le pouls de cette petite communauté, qui déjà encaissait les moqueries de Jay-Z, et qui croule désormais sous les bourrasques d’insultes de Tyler ,The Creator. En ce qui nous concerne, on ne penchera d’aucun côté de la balance, on ne choisira ni les condamnations sommaires (très drôles dans la prose soit-dit en passant), ni les sirènes d’une nouvelle révolution musicale. On se rangera plutôt derrière les mots de Mowii qui, répondant aux insultes, nous confiait “vous ne venez pas ici nous aider, alors foutez-nous la paix“.