The Field en interview"Some Things That Might Not Be In The Music."

Diffuseur
Le Drone

Date
Février 2012

Durée
7′

Réalisation
Clément Mathon

Résumé
On a tous dans le coeur un vilain traumatisme lié à un groupe de techno rock. On a tous quitté un jour une fille ou un garçon parce qu’elle ou il était fan de Pills ou Rinôcérôse, on a tous pleuré des larmes de sang en découvrant The Crystal Method, on s’est tous mis sur la gueule avec des amis proches parce qu’ils aimaient mieux la techno “jouée avec des vrais instruments”. Bref, on a tous un jour regardé un jour dans l’abîme, et l’abîme ne nous a jamais quitté des yeux.
Il semblerait pourtant que le Passage du Nord-Ouest entre entre le boumboum des gobeurs de loops et le cacapoum des buveurs de Bud existe bel et bien.
Débarqué de quasiment nulle part, le Suédois Axel Willner l’a trouvé presque par hasard en bidouillant trois samples avec un freeware et la fonction “cue” de ses platines CDJ, et provoqué un étonnant consensus entre deux sphères qui, en temps normal, ne partagent presque rien, ni fringues, ni bouffe, ni boisson fétiche.
Côté smooth et club, les danseurs se retrouvent dans une post-techno pulsée à tous les temps sur le “One“, rendue super chaleureuse grâce à la magie des samples mystères (même sous la torture, Alex craint trop les représailles pour nous livrer ses sources) réduits à peau de chagrin, tandis que dans les caves indie de Malmö ou du Lower East Side, les indie kids en American Apparel achètent leur dose d’hypnose extatique à peu de frais et sans trop se salir avec la house.
Dos à dos, ils saluent tous la beauté habitée de ses morceaux baleines blanches, répétitifs jusqu’au conceptuel mais baignés de lumière, statiques mais gigotants comme un tour de montagne russe.
Rien ne prédisposait pourtant cet ancien punk jamais repenti à tomber sur un si gros os. Elevé entre Stockholm et Lisbonne par un papa bâtisseur (rappelons ici que la Suède était, dans les années 80, le haut lieu du béton), dans un foyer a-musical (seul la grand-mère s’adonne, entre deux tricots, aux joies de l’accordéon), il a trouvé la flamme grâce à la flûte à bec et aux programmes éducatifs très music friendly de la Suède socialiste. Activiste punk côté Ramones dès sa tendre adolescence, c’est presque honteux qu’il soit ensuite tombé dans la beauté de la nappe de synthèse et de la puissance de feu de la techno via les clips de Daft Punk ou de The Orb (comme 9 européens sur 10 de sa génération).
Un bon paquet d’années de galère à bosser dans un liquor store d’état et un debut album important plus tard (comme l’explique bien le mag américain XLR8R, From Here We Go Sublime fut du genre “game changer“), Willner n’a toujours pas résolu le paradoxe au coeur de cette dichotomie. Signé sur le plus gros et le plus emblématique des labels minimal techno, Kompakt (aux côtés de Gui Boratto, Wolfgang Voigt, Michael Mayer), il a invité John Stanier de Battles et Helmet sur son deuxième Yesterday and Today, s’accompagne d’un batteur et d’un bassiste sur scène, et fuit plus que jamais les clubs comme la peste.
Son salut, notre salut, c’est le pouvoir éternel, ancestral de la répétition qui joint comme par magie Steve Reich, la house et le prog rock, la beauté magnétique du rythme réduit à son plus simple appareil qui lie Basic Channel, Glenn Branca et les Ramones.
Jusqu’au boutiste dans le choix de ses artworks (toujours le même monochrome et la même typo génériques), Axel Willner n’a pas choisi le moyen le plus facile de faire naître l’extase; mais comme celle d’autres francs tireurs qui redessinent naïvement  la techno loin de Berlin et du purisme dance canal historique (Blondes, Caribou, Fuck Buttons, la bande 100% Silk), sa purée de samples fait doucement mais sûrement bouger les lignes du music game.